Site du doyenné Val-de-Bièvre

L'Église catholique

L'Église catholique

en Val-de-Bièvre vous accueille...

en Val-de-Bièvre vous accueille...


Vous êtes ici > Accueil > Découvrir le doyenné > Événements > Événements sur le doyenné Val-de-Bièvre > Événements du Secteur 2014-2015 > Homélie de Bernard Baudry, diacre pour le 2e dimanche de carême.

Homélie de Bernard Baudry, diacre pour le 2e dimanche de carême.

Homélie de Bernard Baudry, diacre pour le 2e dimanche de carême.

Cette homélie a été prononcée le dimanche 1er mars 2015, à Sainte Germaine de Cachan.

Pour l’imprimer au format pdf, cliquez sur l’icône —>

PDF - 51 ko

Frères et sœurs,

Quelques familles Roms se sont installées à moins de un kilomètre d’ici car elles étaient chassées d’ailleurs dans le département. Comment, nous chrétiens, pouvons—‐nous porter un message particulier de notre communauté alors que cette population est rejetée de partout ?

Le père Djop m’a demandé de venir témoigner de rencontres que j’ai faites avec des familles Roms depuis plusieurs années. Je ne suis pas un spécialiste ; je n’ai que le désir de vous partager quelques beaux moments vécus avec les uns ou les autres.

J’ai particulièrement accompagné des familles qui étaient depuis plusieurs années sur un terrain situé au milieu de nulle part, entre une voie ferrée et une route voie rapide, à la fois sur Bonneuil, Limeil et Créteil. Il y avait là depuis 4 ans, c’est à dire depuis 4 hivers, 5 ou 6 familles en tout une vingtaine de personnes. En tant que Service Logement du Secours Catholique, nous avons essayé de trouver des solutions d’hébergement ou de logement moins terribles, humaines. Le terrain était sans eau, sans électricité même si cela avait été promis depuis longtemps. Il était infesté de rats ; même les rats étaient malades, sans poils, estropiés. C’est dire que les conditions matérielles étaient bien pires que celles que nous avons vues avant—‐hier sur le terrain de Rungis.

Sur chacun des terrains, ce qui me marque en premier est la propreté de l’intérieur des baraques, un îlot de propreté au plan des habits des enfants en particulier, de l’hygiène alimentaire… Il y a beaucoup de tapis dans les baraques pour garder un peu la chaleur. Je me dis : si j’étais dans les mêmes conditions, je suis certain que je n’arriverais pas à être aussi propre. Nous, on ne s’organise pas pour avoir de l’eau. Il suffit de tourner le robinet. Là, il faut une voiture, de l’essence, un homme, un tour de rôle… C’est compliqué et cela occupe une partie de la journée.

Le travail. Il faut distinguer deux périodes. Avant le 1er janvier 2014, Roumanie et Bulgarie dont sont originaires les familles Roms, n’étaient pas pleinement dans l’Europe. Pour les employer, un patron devait verser 900 euros. Bien sûr, c’était très dur de trouver du travail et très peu y arrivaient. Depuis le début 2014, ils ont les mêmes accès au travail que les autres pays de l’Europe, comme les Français. Et bien, plusieurs d’entre eux ont trouvé du travail, les femmes en CDI en maison de retraite par exemple, les hommes à l’entretien des espaces verts. Il faut qu’ils aient des qualités réelles pour être employés alors qu’ils ne parlent pas très bien le français au début et que souvent ils ne savent pas lire ou écrire notre langue.

J’ai travaillé avec eux à rénover de fond en comble un pavillon appartenant au diocèse à Sainte Jeanne de Champigny. J’ai trouvé certains courageux, désireux d’apprendre tout en travaillant. J’ai passé de longues heures dans des travaux manuels. Je les ai rencontrés à chaque fois en voyant le nom du Christ gravé sur leur front. Comme les disciples à la transfiguration, sachons reconnaître la face du Christ dans nos frères qui souffrent.

Je les ai vus creuser un trou dans la terre et ne pas oser laisser la terre à côté, de peur d’être accusés de dégradation.

Dès que l’on cherche un outil comme sur tout chantier, ils disent « ce n’est pas moi qui l’ai pris ». Ils se sentent toujours pris pour des voleurs.
Cette population est stigmatisée, stigmatisée comme Lui, le Christ. Ils font tout en craignant, tels les enfants battus, de se faire reprendre pour tel ou tel détail.
Et pourtant, je souhaite vous rapporter le bonheur de ces familles ; la première famille ne passera pas un cinquième hiver au milieu des rats. En finissant la douche, alors que je soudais, l’un des maçons, me dit discrètement, dans une grande pudeur : « j’ai 34 ans et jamais je n’ai eu de douche ; pourtant, j’en ai construit des centaines ». Émotion. Résurrection. Nous touchons là au mystère de la Résurrection du Christ qui met debout les affligés.

En fait quand nous regardons ces visages de serviteurs souffrants, nous nous sentons nous-mêmes appelés ; et c’est alors de notre propre résurrection qu’il s’agit. Il y a une phrase que Bernadette de Lourdes rapporte à propos de la Vierge : "Elle m’a regardée comme une personne regarde une autre personne." Cette phrase peut guider notre attitude vis à vis des ces personnes et singulièrement en période de Carême.

Oui, ce sont des créatures femmes et hommes de Dieu, comme nous. Nous sommes frères et sœurs. Le pape François dans son exhortation nous dit de casser les murs de l’Église et d’aller aux périphéries. Nous ne pouvons pas nous contenter de ne rien faire comme ceux qui se présentent au Jugement Dernier. Notre action est nécessaire.

Ne nous contentons pas d’une intention de prière universelle : "Prions pour les Roms… En fait, prions pour nous afin que notre charité se fasse inventive. Il me revient à l’esprit un passage de l’encyclique de Benoît XVI, Deus caritas est : "La charité n’est pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait aussi laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer." Nous ne pouvons pas, au nom de notre baptême déléguer cette tâche ; est—‐ce que nous déléguerions une association pour aller à notre place à la messe ou bien lire la parole de Dieu ? Non bien sûr. Il en est de même pour l’exercice de la charité.

Et commençons, en ce temps privilégié du Carême, par oser aller à leur rencontre, en les regardant comme des personnes. Et 99 % du chemin sera fait. J’ai compris qu’il fallait des vêtements et des couches. Voilà du concret. On peut en parler après la messe
.
Je vous souhaite une bonne route en Carême.

Amen.